Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/171

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pour accélérer son chapeau, et qui lors étoit tout porté à Rome.

Pendant tous ces raisonnements divers, je ne laissois pas de penser à moi, et à l’occasion si naturelle de faire la fortune de mon second fils. Je lui dis donc que, puisque les choses en étoient nécessairement au point qu’il me les apprenoit, il devenoit donc instant d’envoyer faire la demande solennelle de l’infante, et en signer le contrat de mariage, qu’il y falloit un seigneur de marque et titré, et que je le suppliois de me donner cette ambassade avec sa protection et sa recommandation auprès du roi d’Espagne pour faire grand d’Espagne le marquis de Ruffec ; qu’il avoit fait pair La Feuillade, son plus grand et son plus insolent ennemi, parce qu’il l’avoit plu ainsi à son ami Canillac, au grand scandale de tout le monde, le seul homme contre qui je l’avois jamais vu outré jusqu’à lui vouloir faire donner des coups de bâton, dont il pouvoit se souvenir que je l’avois empêché avec peine, et de plus lui avoit donné beaucoup d’argent sous le frivole prétexte de l’ambassade de Rome où il ne fut jamais question de l’envoyer ; qu’en même temps il avoit aussi fait pair le duc de Brancas ; que je lui avouois que ni du côté du monde ni par rapport à lui je n’avois pas l’humilité de m’estimer de niveau ni du père ni du fils ; que tout à l’heure il venoit de faire duc et pair M. de Nevers, à côté duquel je ne croyois pas être ; que j’omettois les grâces sans nombre qu’il avoit répandues à pleines mains, en particulier la capitainerie de Saint-Germain et de Versailles, qu’avoit eue mon père, au duc de Noailles et à ses enfants ; que revêtu de rien que de petits gouvernements dont j’avois eu la survivance comme tout l’univers en avoit obtenues, je ne voyois pas ce qu’il me pourroit donner ; que je ne lui avois pas demandé de faire mon second fils duc, quoiqu’il ne l’eût pas offensé en cent façons éclatantes comme La Feuillade, quoique MM. de Brancas et de Nevers n’eussent que point ou peu, et comment, servi ; ce qui ne se pouvoit