Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/190

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Mme la grande-duchesse [de Toscane] mourut à soixante-dix-sept ans, après plusieurs apoplexies, et fut enterrée, comme elle l’avoit ordonné, parmi les religieuses de Picpus, dans leur cloître. Elle étoit fille aînée du second mariage de Gaston, frère de Louis XIII, avec la sœur de Charles IV, duc de Lorraine. Mme la grande-duchesse avoit été fort belle, et très bien faite et grande : on le voyoit bien encore ; bonne et peu d’esprit, mais arrêtée en son sens sans pouvoir être persuadée. Elle épousa, en 1661, Cosme de Médicis, grand-duc de Toscane, avec un esprit de retour que rien ne put amortir. Elle vécut fort mal avec le grand-duc, dont la patience et les soins pour la ramener furent continuels, plus mal encore avec la grande-duchesse sa belle-mère, qui étoit La Rovère-Urbin, morte en 1694, à soixante-douze ans.

Elle vouloit vivre en liberté à la française, et se moquoit de toutes les manières italiennes. Elle eut assez promptement trois enfants : l’aîné qui mourut longtemps avant son père, sans enfants de la sœur de Mme la dauphine de Bavière ; J. Gaston, marié à une fille du dernier duc de Saxe-Lauenbourg, et dernière elle-même de cette grande et si ancienne maison, avec qui il se brouilla, n’en eut point d’enfants, succéda au grand-duc son père, mort à quatre-vingt-deux ans, en 1723, et mourut sans postérité en [1737] et finit les Médicis, grands-ducs de Toscane, après avoir vu souvent et diversement disposer, pour après lui, de ses États, de son vivant ; enfin l’électrice Palatine, veuve sans enfants, et depuis son veuvage retirée à Florence.

Après avoir eu ces enfants, la grande-duchesse redoubla d’humeur exprès, et de conduite étrange en Italie, avec tant d’éclat que le roi y mit la main, par ses envoyés, diverses fois, et par les cardinaux d’Estrées et Bonzi, allant et revenant de Rome, sans pouvoir lui rien persuader. Elle en fit tant que le grand-duc consentit enfin à son retour en France, mais sous des conditions qui lui donnèrent plus de contrainte