Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/201

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plus sur son âge, qui ne lui permettoit plus le travail du gouvernement d’un nouveau diocèse. Le roi parut mortifié. M. le duc d’Orléans insista qu’on ne prétendoit pas que Reims l’éloignât du roi ; qu’il auroit des grands vicaires qui lui rendroient compte de tout et gouverneroient par ses ordres et un évêque in partibus, qu’on pourvoiroit d’abbayes, qui feroit sur les lieux les ordinations et les autres fonctions réservées aux évêques ; que plusieurs prélats avoient des évêques in partibus pour faire ces fonctions pour eux dans leurs diocèses ; que cela étoit en usage de tout temps pour ceux qui croyoient en avoir besoin ; qu’entre ces besoins, il n’y en avoit pas un plus légitime que ses fonctions auprès du roi, et qu’il n’en devoit faire aucune difficulté. Fréjus se confondit en remerciements ; mais toujours ferme au refus, répondit qu’il étoit plus court et plus dans l’ordre de ne point acquérir de pareils besoins que de s’en servir, et qu’il ne se tiendroit point en sûreté de conscience d’accepter un évêché dans l’intention de le laisser gouverner par d’autres, et de n’y point faire de résidence. Le bon prélat n’avoit pas pensé, et n’en avoit pas usé ainsi pour Fréjus, où il ne résida comme point, et n’osant être à Paris, couroit sans cesse le Languedoc et la Provence. Quoi que le roi, le régent et le maréchal de Villeroy pussent dire et faire, ils ne purent ébranler Fréjus, tellement que M. le duc d’Orléans finit ce long débat par lui dire que le roi ne recevoit point son refus ; qu’il vouloit au moins qu’il y pensât et se consultât à loisir, et qu’il prit pour cela tout le temps qu’il voudroit.

Au sortir de là, je fus instruit par M. le duc d’Orléans de ce qui s’étoit passé, et quoique je n’en fusse pas surpris par quelques mots qui s’en étoient auparavant jetés entré Fréjus et moi, mais en courant, parce que tout se fit sur-le-champ, j’en fus très fâché. Je fis sentir à ce prince combien Fréjus estimoit plus le futur que le présent, puisqu’il n’étoit pas ébloui d’une telle place ni entraîné par les instances du roi et par les siennes ; que cela méritoit une grande réflexion