Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/220

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dit néanmoins qu’il ne croyoit pas que le roi résistât, ni qu’il en fût ni aise ni fâché, promit de se trouver auprès de lui quand la nouvelle lui seroit apprise, et fut modeste sur le reste. Le secret sans réserve, et nommément pour le maréchal de Villeroy, leur fut fort recommandé à tous deux. Je doute par ce qu’on va voir que Fréjus y ait été fidèle, et qu’il n’en ait pas fait sur-le-champ sa cour au maréchal, qu’il avoit soigneusement l’air de cultiver en choses qui n’intéressoient point ses vues.

Le moment venu nous arrivâmes tous aux Tuileries, où M. le duc d’Orléans, qui, pour laisser assembler tout le monde, étoit arrivé le dernier, me conta dans un coin avant d’entrer chez le roi ce qui s’étoit passé quelques heures auparavant entre lui, M. le Duc et Fréjus, l’un après l’autre. Il pirouetta un peu dans le cabinet du conseil, en homme qui n’est pas bien brave et qui va monter à l’assaut. Je ne le perdois point de vue, et à le voir de la sorte, j’étois inquiet ; enfin il entra chez le roi, je le suivis ; il demanda qui étoit dans le cabinet avec le roi, et sur ce qu’on ne lui nomma point Fréjus, il l’envoya chercher. Il s’amusa là comme il put, peu de temps, puis il entra dans le cabinet où étoit M. le Duc, qui y étoit entré en même temps que M. le duc d’Orléans s’étoit arrêté dans la chambre, le maréchal de Villeroy et quelques gens intérieurs, comme sous-gouverneur, etc. Je restai dans la chambre où je pétillois de la lenteur de Fréjus, qui ne me paraissoit pas de bon augure. Enfin il arriva, l’air empressé comme un homme mandé et qui a fait attendre. Fort peu après qu’il fut entré dans le cabinet, j’en vis sortir le peuple, c’est-à-dire qu’il n’y demeura que M. le duc d’Orléans, le cardinal Dubois, qui étoit entré dans le cabinet avec lui, M. le Duc, le maréchal de Villeroy et Fréjus. Alors, me trouvant seul de ma sorte et du conseil de régence dans cette chambre, et ma curiosité satisfaite de les savoir aux mains, je rentrai dans le cabinet du conseil, sans toutefois m’éloigner de la porte par où je venois d’y rentrer.