Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/219

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raisons aux choses qu’il y voudroit faire passer dont je ne croirois pas en honneur et en conscience pouvoir être d’avis, ou de m’ordonner de m’abstenir du conseil où il les voudroit proposer, comme il lui étoit arrivé plusieurs fois de me le défendre, à quoi j’avois obéi sans qu’on se fût aperçu de la vraie raison de mon absence, comme je le ferois toujours quand le cas en arriveroit. Cette convention entre lui et moi fut donc renouvelée de la sorte, et je me trouvai à cet important conseil duquel je craignis moins que lui, sans toutefois que je le pusse bien rassurer.

L’embarras, à mon avis, fut plus grand du côté du roi, qui comme je l’ai dit s’effarouchoit des surprises. Quelque coup d’œil ou quelque geste du maréchal de Villeroy pouvoit le jeter dans le trouble, et ce trouble l’empêcher de dire un seul mot. Il falloit pourtant un oui et un consentement exprimé de sa part, et s’il s’opiniâtroit à se taire, que devenir pour le conseil de régence ? Et si par dépit d’être pressé il alloit dire non, que faire et par où en sortir ? Cet embarras possible nous tint M. le duc d’Orléans, le cardinal Dubois et moi, en consultations redoublées. Enfin il fut conclu que, dans la fin de la matinée du jour du conseil de régence, qui ne seroit tenu que l’après-dînée, M. le duc d’Orléans manderoit séparément M. le Duc et M. de Fréjus M. le Duc, dont il n’y avoit rien à craindre, et à qui ce secret ne pouvoit être, à ce qu’il étoit, caché plus longtemps, qui même pouvoit se blesser d’une si tardive confidence ; Fréjus pour le caresser par cette distinction sur le maréchal de Villeroy, l’avoir présent lorsque M. le duc d’Orléans apprendroit au roi son mariage, et qu’il fût là tout prêt à servir le régent de tout ce qu’il pouvoit sur le roi. M. le Duc fut surpris, mais ne se fâcha point, et fit très bien auprès du roi. Fréjus fut froid, il parut sentir que le besoin lui valoit la confidence, loua l’alliance, par manière d’acquit, que M. le Duc avoit fort approuvée, trouva l’infante bien enfant, ce qui n’avoit fait aucune difficulté à M. le Duc,