Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/230

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avoit donné beau jeu du côté des finances et de celui de sa vie domestique. Toutes ces choses si flatteuses qui, malgré le peu de succès de leur malignité, de leur haine, de leurs efforts, faisoient toutefois encore la nourriture de leur esprit, de leur volonté, de leurs vues, non seulement tomboient et disparaissoient par ce double mariage, mais se tournoient contre eux, et les laissoient, dans le moment même, en proie au vide, à la nudité, au désespoir, sans nul point d’appui, sans bouclier, sans ressources. L’horreur qu’ils conçurent aussi d’un revers si subit et si complètement inattendu, fut plus visible que facile à représenter, et plus forte qu’eux et que leurs plus politiques. J’avoue que c’étoit un plaisir pour moi d’en rencontrer hommes, femmes, gens de tous états. Je l’ai déjà dit, cette cabale s’étoit reconcertée depuis le rétablissement du duc du Maine et les nouvelles entreprises du parlement, depuis le lit de justice des Tuileries ; mais ce dernier coup l’écrasa. Néanmoins, ayant un peu repris ses esprits au bout de quelques jours, elle se mit à détester l’Espagne et à la même mesure qu’elle s’y étoit attachée, et ce contraste fut si subit, si entier, si peu mesuré, qu’il ne falloit que le voir et l’entendre pour en sentir la cause, même dans ceux dont le bas aloi avoit détourné tous soupçons.

Le premier président et sa cabale des gens du parlement frémissoient ouvertement, ainsi que beaucoup de gens de cette prétendue noblesse, dont le duc et la duchesse du Maine s’étoient si heureusement servis par leurs prestiges, comme on l’a vu ici en son temps, et dont l’imbécile aveuglement subsistoit encore pour eux. Force grands seigneurs, même du conseil de régence, même des mieux traités d’ailleurs, ne pouvoient cacher leur contrainte, en sorte que par le subit effet de la nouvelle de ces mariages, dont ils ne se purent défendre dans le premier étourdissement, qui fut même assez long, on en découvrit plus qu’on n’avoit fait par les perquisitions estropiées de l’affaire de Cellamare et du duc et de la ’duchesse du plaine, quoique dès lors on en eût