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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/231

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plus trouvé, même parmi les grands et les considérables, qu’on n’auroit voulu, et qu’on crut devoir étouffer, comme il a été dit dans le temps. Aux cris contre l’Espagne, ils en joignirent contre M. le duc d’Orléans qui, disoient-ils, sacrifioit le roi à un enfant sorti à peine du maillot, pour marier si grandement sa fille, et pour la criminelle espérance qu’en retardant sa postérité, il pût manquer, avant l’âge de l’infante, et M. le duc d’Orléans régner sur lui et la sienne en sa place, après s’être fait un appui de l’Espagne si justement et si longuement son ennemie personnelle. Ainsi, de rage, ils crioient à l’habileté pour en donner l’impression la plus sinistre ; mais la douleur vive excite les cris. On les méprisa et on ne songea plus qu’à exécuter promptement tout ce qui pouvoit l’être de ce traité de double mariage, et à jouir et profiter de ses fruits. On eut raison alors, après l’imprudence d’une déclaration si étrangement précoce et si propre à rallumer tous les mouvements du dehors et du dedans. On ne sera pas longtemps sans voir combien il étoit devenu instant d’achever ce qu’on avoit déclaré. La cabale, tout accablée qu’elle fût pendant les premiers jours, reprit encore quelque courage, et se mit à travailler à éloigner les mariages pour se donner le temps de les pouvoir rompre tout à fait. Ce fut aussi le coup de partie de ne lui en pas laisser le loisir.

J’étois, pendant toutes ces démarches si différentes, aux mains avec le cardinal Dubois. Il étoit enragé de mon ambassade, et comme tout me le montra manifestement dans tout son préparatif et sa durée, il avoit résolu, en gardant tous les dehors, de me ruiner et de me perdre. Je m’en défiois bien, et j’eus lieu tout aussitôt de n’en point douter. De lui à moi d’abord, profusions d’amitié, d’attachement, de chose à moi due que cette ambassade et ses suites pour mes enfants, de tout ce que M. le duc d’Orléans me devoit de reconnoissance et d’amitié, et lui-même de mes anciennes bontés pour lui de tous les temps. Avec ces propos