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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/233

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l’être, afin de pouvoir faire travailler à mes équipages. Cela m’avoit été très expressément défendu jusque-là, et avec raison pour ne donner d’éveil à personne, mais la raison, cessant avec la déclaration des mariages, et d’ailleurs le temps pressant, je ne crus pas que cela pût recevoir aucune difficulté. Je m’y trompai. Les défenses subsistèrent quoi que je pusse alléguer. C’est que le cardinal vouloit qu’il m’en coûtât le double par la précipitation, ainsi qu’il arriva, et me mettre de plus dans l’impossibilité d’avoir tout, faute de temps, et cette faute me l’imputer tant auprès de M. le duc d’Orléans qu’il avoit entièrement prévenu, qu’en Espagne, et faire de plus crier les envieux après moi. Néanmoins je ne cessois de presser là-dessus, et en même temps d’entamer les instructions qui m’étoient nécessaires, et qui, se passant du cardinal et de M. le duc d’Orléans à moi, n’affichoient rien au public comme la préparation des équipages. Ce fut encore ce que je ne pus obtenir ; ils me répondoient lestement qu’en une ou deux conversations la matière seroit épuisée. C’est que le cardinal vouloit que je ne fusse instruit qu’en l’air, m’ôter le loisir des réflexions, des questions, des éclaircissements, et me jeter dans les embarras et les occasions de faire des sottises qu’il comptoit bien de relever fortement. Enfin, lassé de tant et de si dangereuses remises, et comprenant bien que ma déclaration ne se différoit que pour les faire durer jusqu’à l’extrémité, j’allai le mardi 23 septembre trouver M. le duc d’Orléans, et pris exprès mon temps qu’il étoit dans son appartement des Tuileries ; là, je lui parlai si bien, qu’il me dit qu’il n’y avoit qu’à monter chez le roi. Il m’y mena, et dans le cabinet du roi où il étoit avec ses sous-gouverneurs et peu de monde qu’on n’en fit point sortir, je fus déclaré. Au sortir du cabinet, M. le duc d’Orléans me fit monter dans son carrosse qui l’attendoit, et me mena au Palais-Royal où nous commençâmes à parler sérieusement d’affaires sur mon ambassade.