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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/252

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les autres. Je le dis à celui qui m’apportoit ces pièces. Je fus surpris de ce qu’il me répondit qu’elle n’étoit pas faite, mais que je l’aurois dans la journée. Cela me parut si étrange que j’en pris du soupçon. J’en parlai au cardinal et à M. le duc d’Orléans, qui m’assurèrent que je l’aurois le soir. Il étoit minuit que je ne l’avois pas encore. J’écrivis au cardinal. Bref, je partis sans elle. Il me manda que je la recevrois avant que d’arriver à Bayonne ; mais rien moins. Je pressai de nouveau. Il m’écrivit que je l’aurois avant que j’arrivasse à Madrid. Une lettre du roi à l’infante n’étoit pas difficile à faire : je ne pus donc douter qu’il n’y eût du dessein dans ce retardement. Quel il pût être, je ne pus le comprendre, si ce n’est d’en envoyer une après coup et pour me faire passer pour un étourdi qui avoit perdu la première.

Il me fit un autre trait de la dernière impudence sept ou huit jours avant mon départ. Il me fit dire de sa part, par Le Blanc et par Belle-Ile, que l’emploi où il étoit des affaires étrangères exigeoit qu’il eût les postes, dont il né vouloit et ne pouvoit se passer plus longtemps ; qu’il savoit que j’étois ami intime de Torcy, qui les avoit, dont il désiroit la démission ; qu’il me prioit de lui en écrire à Sablé, où il étoit allé faire un tour, et ce par un courrier exprès ; qu’il verroit, par l’office que je lui rendrois en cette occasion et par son succès, de quelle façon il pouvoit compter sur moi, et se conduiroit en conséquence ; à quoi ses deux esclaves joignirent du leur, mais avec très apparente mission, tout ce qui me pouvoit persuader qu’il romproit mon départ et mon ambassade, si je ne lui donnois pas contentement là-dessus. Je ne doutai pas un moment, après ce que j’avois vu de l’inconcevable faiblesse de M. le duc d’Orléans pour ses plus folles volontés, telles que les premières visites et la préséance à prendre sur le nonce, et bien d’autres que je supprime, qu’il ne fût en pouvoir de me causer cet affront. En même temps je résolus d’en essuyer le hasard plutôt que de