Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/256

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le duc d’Ossone à Vivonne. Je m’arrêtai pour le voir, et sachant qu’il étoit à la messe, j’allai l’attendre à la porte de l’église. Comme il sortit, ce fut des compliments, des accueils et des embrassades ; puis nous allâmes ensemble à la poste, où lui et moi avions mis pied à terre, car il venoit en poste aussi. Force compliments aux portes, où je voulus, comme de raison, lui faire les honneurs de la France. Nous montâmes dans une chambre où on nous laissa seuls et où nous nous entretînmes une heure et demie. Il parloit mal françois, mais plus que suffisamment pour la conversation.

Après un renouvellement de compliments sur les mariages et le renouvellement si étroit de l’union des deux couronnes, et les politesses personnelles sur nos deux emplois, il entra le premier en matière sur la joie des véritables François et Espagnols, et le dépit amer des mauvais. Je fus surpris de le trouver si bien informé de nos cabales et de ce qu’on appeloit la vieille cour. Sans avoir voulu nommer personne, il m’en désigna plusieurs, et rien ne pouvoit être plus clair que ses plaintes contre des gens entièrement attachés au roi d’Espagne jusqu’aux mariages, et qui, depuis ce moment, se déchaînoient et contre les mariages et contre l’Espagne. Il me dit que M. le duc d’Orléans avoit plus d’ennemis de sa personne et de son gouvernement qu’il ne pensoit ; que je l’avertisse d’y prendre garde, et il ajouta que, dans l’état où en étoient les choses, on ne pouvoit trop se hâter de part et d’autre de les finir. Il me parla, mais sans désigner personne, de force mouvements dans notre cour et à Paris pour retarder, dans le dessein de gagner du temps, pour se donner celui de faire tout rompre, et qu’en Espagne on sentoit le même esprit et de l’intelligence ; en même temps me protesta qu’il n’y avoit personne qui osât en parler au roi ni à la reine d’Espagne d’une manière directe ; que tous efforts, quand même il en paroîtroit à Madrid, seroient inutiles ; de la joie et de l’empressement de Leurs Majestés Catholiques ; des avantages réciproques de cette réunion. Ce que j’exprime