Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/265

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à souper, et le lendemain à déjeuner avec nous : ils parloient françois, et je fus surpris de voir des Espagnols si gais et de si bonne compagnie à table. La joie du sujet de mon voyage éclata partout où je passai en France et en Espagne et me fit bien recevoir. On se mettoit aux fenêtres et on bénissoit mon voyage. À Salinas, entre autres, où je passois sans m’arrêter, des dames qui, à voir leur maison et elles-mêmes aux fenêtres, me parurent de qualité, me demandèrent de si bonne grâce de voir un moment celui qui alloit conclure le bonheur de l’Espagne, que je crus qu’il étoit de la galanterie de monter chez elles ; elles m’en parurent ravies, et j’eus toutes les peines du monde à m’en débarrasser pour continuer mon chemin.

Je trouvai à Vittoria un courrier de Sartine pour me presser d’arriver, mais dont la date étoit antérieure au retour de son courrier de Bayonne ; mais, étant le 17, à cinq heures du matin, prêt à partir de Miranda d’Ebro, arriva un autre courrier de Sartine, qui me mandoit que les raisons, quoique sans réplique, que je lui avois écrites de Bayonne, n’avoient point ralenti l’extrême empressement de Leurs Majestés Catholiques, sur quoi je le priai de me faire tenir des relais le plus qu’il pourroit, à quelque prix que ce fût, pour presser mon voyage tant qu’il me seroit possible.

J’arrivai le 18 à Burgos, où je comptois séjourner, pour voir au moins un jour ce que deviendroit une fièvre assez forte qui avoit pris à mon fils aîné, qui m’inquiétoit beaucoup, en attendant que mes relais pussent se préparer ; mais Pecquet arriva pour presser de nouveau ma marche, et si vivement qu’il fallut abandonner mon fils et presque tout mon monde. L’abbé de Mathan voulut bien demeurer avec lui pour en prendre soin et ne le point quitter.

J’appris par Pecquet la cause d’une si excessive impatience. C’est que la reine, qui n’aimoit point le séjour de Madrid, pétilloit d’en sortir pour aller à Lerma, où on l’avoit assurée qu’elle trouveroit une chasse fort abondante. Pecquet