Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/272

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qu’il avoit reçus en France, me conjura que le roi et M. le duc d’Orléans en fussent informés, et se répandit assez inconsidérément en tendresse pour le maréchal de Villeroy, auquel il me dit qu’il vouloit écrire, ainsi qu’au roi et à M. le duc d’Orléans. Je reçus toutes ces rares effusions aussi poliment que me le permit la plus extrême surprise, après tout ce qu’il avoit brassé à Paris et ce qui en étoit suivi pour lui-même. Ces mêmes empressements continuèrent tant que je fus en Espagne, mais il ne mangea pas une seule fois chez moi. Aussi, ne l’en priai-je qu’une de devoir, le jour de la couverture [1] de mon fils.

Son contradictoire fut le duc de Popoli, capitaine général, grand maître de l’artillerie, chevalier du Saint-Esprit et gouverneur du prince des Asturies, dont je reçus force compliments au palais où je ne le rencontrois guère, et qui ne vint et n’envoya chez moi qu’une fois. On verra aussi comment j’en usai avec lui.

Ce même jour, j’allai voir le marquis de Grimaldo, particulièrement chargé des affaires étrangères. Il entendoit parfaitement le françois, mais il ne le vouloit pas parler. Orondaya, son principal commis, nous servit toujours d’interprète ; on ne peut en recevoir plus de politesses ; je fus étonné au dernier point qu’il me rapportât tous les efforts que j’avois faits auprès de M. le duc d’Orléans pour le détourner de la guerre qu’il fit à l’Espagne en faveur des Anglois, et je n’imagine pas comment Laullez l’avoit su, qui l’avoit mandé fort tôt après qu’il fut arrivé à Paris. Je présentai à Grimaldo les copies des lettres que je devois rendre. Ce fut un long combat de civilité entre nous, lui de ne les vouloir pas prendre, moi d’insister ; mais je m’y opiniâtrai tellement qu’enfin il les reçut. J’eus pour cela mes raisons, je voulois faire passer la lettre de M. le duc d’Orléans au prince des Asturies, avec le traitement de frère ; je

  1. Voy. sur cette cérémonie, le t. III, p. 261 et suiv.