Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la beauté et de l’agrément dont une petite vérole si cruelle n’avoit pu effacer l’idée. La parenthèse, au courant vif de ce commencement de fonctions d’ambassadeur, seroit trop longue si j’en disois ici davantage ; mais il est nécessaire d’y remarquer en un mot, qui sera plus étendu ailleurs, que jour et nuit, travail, audiences, amusements, dévotions, le roi et elle ne se quittoient jamais, pas même pour un instant, excepté les audiences solennelles qu’ils donnoient l’un et l’autre séparément, l’audience du roi publique et celle du conseil de Castille et les chapelles publiques. Toutes ces choses seront expliquées en leur lieu.

Grimaldo, naturel Espagnol, ressembloit à un Flamand. Il étoit fort blond, petit, gros, pansu, le visage rouge, les yeux bleus, vifs, la physionomie spirituelle et fine, avec cela de la bonté. Quoique aussi ouvert et aussi franc que sa place le pouvoit permettre, complimenteur à l’excès, poli, obligeant, mais au fond glorieux comme nos secrétaires d’État, avec ses deux petites mains collées sur son gros ventre, qui, sans presque s’en décoller ni se joindre, accompagnoient ses propos de leur jeu : tout cela faisoit un extérieur dont on avoit à se défendre. Il étoit capable, beaucoup d’esprit et d’expérience, homme d’honneur et vrai, solidement attaché au roi et au bien de ses affaires, grand courtisan toutefois, et dont les maximes furent en tous les temps l’union étroite avec la France. En voilà ici assez sur ce ministre, dont je sus gagner l’amitié et la confiance, qui me furent très utiles et qui ont duré entre lui et moi jusqu’à sa mort, comme je le dirai ailleurs, qui n’arriva qu’après sa chute et bien des années. Retournons maintenant à notre ambassade.

Le dimanche 23 j’eus ma première audience particulière, le matin, du roi et de la reine ensemble, dans le salon des Miroirs, qui est le lieu où ils la donnent toujours. J’étois accompagné de Maulevrier. Je présentai à Leurs Majestés Catholiques les lettres du roi et de M. le duc d’Orléans. Les propos furent les mêmes sur la famille royale, la joie, l’union,