Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/295

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Quand elle eut achevé, je lui fis une profonde révérence et je me retirai le plus diligemment que la décence me le permit pour gagner le dernier carreau de velours d’en bas et les parcourir promptement tout en ployant un peu le genou devant chacun et disant à la dame assise dessus : « A los pies à Vuestra Excellentia, » ce qui suppose : « Je me mets aux pieds de Votre Excellence, » à quoi chacune sourit et répondit par une inclination de corps ; il faut être preste à cette espèce de course qui se fait, tandis que la reine se débarrasse de ce gros carreau qu’elle a sous les pieds, qu’elle se lève, qu’elle descend les marches de cette espèce de trône et qu’elle retourne dans son appartement par la porte de la galerie qui y donne, et qui n’est presque éloignée de ce trône que de la demi-largeur de la pièce où il est, et de la largeur entière de la galerie, qui sont très médiocres, et il faut avoir achevé le dernier carreau près de celui de la camarera-mayor, qui se lève en même temps que la reine pour la suivre, à temps de trouver la reine à la porte de son appartement, mettre un genou à terre devant elle, lui baiser la main qu’elle vous tend et la remercier en cinq ou six paroles, à quoi elle répond de même.

Je ne pus avoir sitôt expédié les carreaux, que je vis la reine dans la porte de son appartement ; elle m’avoit déjà traité avec tant de bonté et de familiarité que je crus pouvoir user de quelque sorte de liberté dans ces moments d’une si grande joie, tellement que je courus vers elle et lui criai que Sa Majesté se retiroit bien vite, et, comme je la vis s’arrêter et se retourner, je lui dis que je ne voulois pas perdre un moment et un honneur si précieux, elle se mit à rire, et moi, un genou à terre à lui baiser la main qu’elle me tendit dégantée et me parla fort obligeamment ; mon remercîment suivit et cela fit un entretien de quelques moments dans cette porte, ses dames en cercle autour qui arrivoient cependant.

La reine et quelques-unes de ses dames rentrées, je lis