Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/34

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le roi, tout enfant qu’il étoit, l’empêcheroit par ses cris, dans la conviction qu’il lui inspiroit que sa vie étoit attachée à ses soins et que ce ne seroit que pour se procurer les moyens d’y pouvoir attenter qu’on l’éloigneroit de sa personne. On verra en son temps que ce raisonnement infernal n’étoit pas mal juste, et qu’il fut fort près de lui réussir.

Le fils aîné d’Argenson, qui tout jeune avoit eu sa place de conseiller d’État, étoit intendant à Maubeuge, où il ne demeura pas longtemps. Le cadet étoit lieutenant de police, il en fut remercié ; Baudry eut cette place et le jeune Argenson eut tôt après l’intendance de Tours, ou il demeura peu. Les deux frères sont depuis parvenus au ministère, et [à] être secrétaires d’État [1].

M. le duc d’Orléans reçut les remontrances du parlement le mieux du monde. Elles ne furent que générales, sur la situation des finances ; il les renvoya au chancelier pour voir avec lui ce qu’il seroit de plus à propos à faire.

Il y eut le 5 juillet, un arrêt du conseil, portant défense d’avoir des pierreries, d’en garder chez soi, ni d’en vendre qu’aux étrangers. On peut juger du bruit qui en résulta. Cet arrêt [2], enté sur tant d’autres, alloient trop visiblement tous à s’emparer de tout l’argent pour du papier décrié, et auquel on ne pouvoit plus avoir la moindre confiance. En vain M. le duc d’Orléans, M. le Duc, et Mme sa mère, voulurent-ils persuader qu’ils en donnoient l’exemple, en se défaisant de leurs immenses pierreries dans les pays étrangers ; en vain y en envoyèrent-ils en effet, mais seulement en voyage ; qui que ce soit ne fut la dupe, et qui ne cachât bien soigneusement

  1. Il a été question, t. XVII, p. 219, des deux fils du garde des sceaux appelés l’un le marquis d’Argenson, et l’autre le comte d’Argenson. Le premier fut ministre des affaires étrangères de 1744 à 1747, et le second ministre de la guerre de 1743 à 1757.
  2. Le pluriel est dans le manuscrit et s’explique par le commencement de la phrase où Saint-Simon parle de plusieurs arrêts.