Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/37

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au conseil de régence. M. le duc d’Orléans, soutenu de M. le Duc, y parla bien, parce qu’il ne pouvoit parler mal, même dans les plus mauvaises thèses. Personne ne dit mot, et on ploya les épaules. Il fut résolu de la sorte d’envoyer le lendemain, 17 juillet, l’édit au parlement.

Ce même jour 17, au matin, il y eut une telle foule à la banque et dans les rues voisines pour avoir chacun de quoi aller au marché, qu’il y eut dix ou douze personnes étouffées. On porta tumultuairement trois de ces corps morts à la porte du Palais-Royal, ou le peuple vouloit entrer à grands cris. On y fit promptement marcher un détachement des compagnies de la garde du roi, des Tuileries. La Vrillière et Le Blanc haranguèrent séparément ce peuple. Le lieutenant de police y accourut ; on fit venir des brigades du guet [1]. On fit après emporter les corps morts, et par douceur et cajoleries on vint enfin à bout de renvoyer le peuple, et le détachement de la garde du roi s’en retourna aux Tuileries. Sur les dix heures du matin, que tout cela finissoit, Law s’avisa d’aller au Palais-Royal ; il reçut force imprécations par les rues, M. le duc d’Orléans ne jugea pas à propos de le laisser sortir du Palais-Royal, ou, deux jours après, il lui donna un logement. Il renvoya son carrosse, dont les glaces furent cassées à coups de pierres. Son logis en fut attaqué aussi avec grand fracas de vitres. Tout cela fut su si tard dans notre quartier des Jacobins de la rue Saint-Dominique [2], qu’il n’y avoit plus apparence de rien quand j’arrivai au Palais-Royal, où M. le duc d’Orléans, en très courte compagnie, étoit fort tranquille et montroit que ce n’étoit pas lui plaire

  1. Le guet était la garde qui veillait à la sûreté de Paris. On distinguait, au XVIIIe siècle, le guet à cheval et le guet à pied : le premier se composait de cent soixante cavaliers, et le second de quatre cent soixante-douze fantassins.
  2. Saint-Simon a déjà indiqué, dans plusieurs passages de ses Mémoires, qu’il demeurait rue Saint-Dominique, près des Jacobins (noviciat des dominicains réformés, aujourd’hui Saint-Thomas d’Aquin et Musée d’artillerie).