Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/60

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de gens à elle, fit passer la duchesse de Richelieu, dame d’honneur de la reine, à Mme la Dauphine, et que, pour adoucir cette complaisance, elle fit donner la charge de chevalier d’honneur de cette princesse au duc de Richelieu, avec promesse qu’après l’avoir gardée quelque temps, il la vendroit tout ce qu’il la pourroit vendre à qui il voudroit qui seroit agréé, Il s’étoit étrangement incommodé au jeu. Dangeau, déjà menin et gouverneur de province, fut son homme ; il en tira cinq cent mille livres. Dangeau devint ainsi chevalier d’honneur de Mme la Dauphine, et nécessairement par là chevalier de l’ordre, en la grande promotion, trois ans après, le premier jour de l’an 1689 [1].

Il avoit épousé en 1682 une fille fort riche, d’un partisan qu’on appeloit Morin le Juif, qui le fit beau-frère du maréchal d’Estrées, mari de l’autre. Dangeau en eut une fille unique, qu’il maria au duc de Montfort, fils aîné du duc de Chevreuse, dont il se bouffit fort. Étant devenu veuf, il se trouva assez riche pour se remarier à une comtesse de Loewenstein, fille d’honneur de Mme la Dauphine, et fille d’une sœur du cardinal de Fürstemberg, laquelle avoit des sœurs grandement mariées en Allemagne, et des frères en grands emplois. On a vu ailleurs quels sont les Loewenstein, et le bruit que fit Madame, et même Mme la Dauphine, de voir les armes palatines accolées à celles de Courcillon, à la chaise de Mme de Dangeau, et combien il fut avec raison inutile. Mme de Dangeau n’avoit rien vaillant, mais elle étoit charmante de visage, de taille et de grâces. On en a parlé souvent ici ailleurs. C’étoit un plaisir de voir avec quel enchantement Dangeau se pavanoit en portant le deuil des parents de sa femme, et en débitoit les grandeurs. Enfin, à force de revêtements l’un sur l’autre, voilà un seigneur, et qui en affectoit toutes les manières à faire mourir de rire. Aussi

  1. Voy, le Journal de Dangeau (édit Didot), t. II, p. 284-285, et la lettre de Mme de Sévigné du 3 janvier 1689.