On a vu ici en son lieu que l’extrême supériorité des Anglois par mer et des Impériaux par terre, joints à eux, avoient fait avorter les grands desseins de l’Espagne sur l’Italie et le traité qui s’ensuivit. Le marquis de Lede, tout foible qu’il fût à la tête de l’armée d’Espagne, s’y étoit montré grand, vaillant et habile capitaine. Le roi d’Espagne, qui aimoit à faire la guerre, ne voulut pas laisser ses troupes inutiles ni les licencier. Il étoit avec raison fort content du marquis de Lede. Il le fit grand d’Espagne et le fit passer en Afrique avec l’armée qu’il commandoit. Il fit lever aux Mores le siège de Ceuta qu’ils faisoient depuis longtemps, reprit Oran, gagna plusieurs victoires et revint en Espagne avec la plus grande réputation, où il reçut l’ordre de la Toison d’Or. J’aurai occasion de parler de lui si j’ai le temps d’écrire mon ambassade en Espagne où je l’ai beaucoup vu.
Le cardinal del Giudice, dont il a été tant parlé ici, reçut en ce temps-ci une grande mortification. Transfuge forcé par Albéroni du service du roi d’Espagne, il s’étoit jeté dans celui de l’empereur, dont il n’avoit pas honte d’être chargé des affaires à Rome où il se baignoit d’aise de l’état d’Albéroni, vagabond caché et accusé juridiquement devant le pape, depuis qu’il avoit été chassé d’Espagne. L’empereur avoit un favori. C’étoit le comte d’Althan qui étoit devenu le martre de son cœur et de son esprit. Il avoit fait son frère cardinal, et ce nouveau cardinal arriva à Rome pour prendre