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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/97

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au roi, le supplia de lui permettre de dire qu’il lui avoit défendu de s’en mêler, et ordonné de laisser tout faire par les commissaires.

Le maréchal de Villeroy s’écria, en s’adressant à M. le duc d’Orléans : « N’êtes-vous pas revêtu de toute son autorité, parlant de celle du roi, et n’en avez-vous pas aussi toute la confiance ? » et à l’instant on leva le conseil.

On a omis plusieurs propos de ceux qui n’ont aucune importance, mais il ne faut pas oublier que le comte de Toulouse offrit ses actions, que le régent ne voulut pas accepter, comme provenant effectivement des remboursements qu’il avoit reçus.

Le duc d’Antin déclara aussi qu’il en avoit quatre cents qu’il rapporteroit le lendemain.

L’étonnement fut grand dans tous ceux qui se trouvèrent à ce conseil. Personne n’ignoroit en gros le désordre des finances ; mais le détail de tant de millions factices, qui ruinoient le roi ou les particuliers, ou pour mieux dire l’un et l’autre, effraya tout le monde. On vit alors à découvert où avoit conduit un jeu de gobelets, dont toute la France avoit été séduite, et quelle avoit été la prodigalité du régent, par la facilité de battre monnaie avec du papier, et de tromper ainsi l’avidité publique. Il y falloit un remède, parce que les choses étoient arrivées à un dernier période, et ce remède, qui alloit au dernier détriment des actionnaires et des porteurs des billets de banque, ne se pouvoit trouver que par le dévoilement de tout le mal, si longtemps tenu caché, autant qu’il avoit été possible, pour que chacun vît enfin où on en étoit au vrai, et la nécessité pressante aussi bien que les difficultés du remède.

Depuis l’arrêt du 22 mai, qui fut l’époque de la décadence de ce qui étoit connu sous les noms de Mississipi et de banque, et la perte de toute confiance par la triste découverte qu’il n’y avoit plus de quoi faire face au payement des billets, par leur excédant prodigieux au delà de l’argent,