Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/151

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ambassadeurs où j’étois : comme la grandesse étoit la même et commune entre mon second fils et moi, je crus devoir me contenter de sa couverture ; et ne point faire la mienne. De quelque sotte brutalité qu’en eût usé Maulevrier en cette occasion de grandesse, je considérai assez le caractère dont il étoit revêtu pour l’emporter sur le mépris de sa personne. Je le priai au festin de la grandesse, car les ambassadeurs n’assistent point aux couvertures. Il s’en excusa fort grossièrement. Cela ne me rebuta point, et quoique accablé de visites à recevoir et à rendre, car il faut aller deux fois chez chaque grand, une pour le prier de se trouver à la couverture, une autre pour les inviter et leurs fils aînés au repas, j’allai avec mon second fils chez Maulevrier qui se résolut enfin d’y venir, et qui y fit d’autant plus triste et méchante figure, que tout ce qui s’y trouva voulut par un air de gaieté et de liberté peu ordinaire à la nation, me témoigner prendre part à ma satisfaction, et aussi à la chère, car il y fut bu et mangé plus qu’on ne fait ici en de pareils repas. Il me fallut après retourner chez tous les grands avec mon fils, et chez les autres personnes distinguées qui avoient dîné chez moi ce jour-là.

J’appris par une lettre du 27 janvier, du cardinal Dubois, le cordon bleu donné au duc d’Ossone, et la manière dont cela s’étoit fait, à laquelle je reviendrai tout à l’heure. J’allai aussitôt attendre le retour de la chasse, et je suivis Leurs Majestés dans leur appartement de retraite. Je leur rendis compte de ce qui venoit d’être fait pour M. le duc d’Ossone. Je leur en relevai la singularité, et je leur fis remarquer qu’on ne savoit ni qu’on ne pouvoit savoir alors à Paris les grâces dont il avoit plu à Leurs Majestés de me combler. Elles me parurent extrêmement sensibles à cette marque de considération qu’elles recevoient en la personne de leur ambassadeur, et me chargèrent de le témoigner à M. le duc d’Orléans. Le duc d’Ossone avoit pris auparavant son audience de congé ; mais il demeuroit à Paris où