Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et l’autre est le feu roi, étoient majeurs et sacrés quand ils ont fait des chevaliers de l’ordre ; et deux autres, l’un huguenot, par conséquent ni sacré, ni grand maître, ni même portant l’ordre, l’autre sacré, mineur, ont fait des chevaliers de l’ordre, l’un par commission, étant hors d’état de les faire lui-même, l’autre le lendemain de son sacre et sous la régence de la reine sa mère. Qu’auroient pu répondre à cela ces messieurs de la vieille cour ? Mais quoique trivial et moderne, le cardinal n’en savoit pas tant, et le régent ne prenoit pas la peine d’y penser un moment, et de se rappeler ces exemples décisifs.

Quoique chose faite, je ne laissai pas de leur mander ce que j’en pensois, et qu’ils s’étoient laissé prendre grossièrement pour dupes. Mais je me gardai bien de dire à personne en Espagne que cela se pouvoit et devoit faire autrement, et que la régente sous Louis XIII nomma et fit faire M. le Prince chevalier de l’ordre. Cela est clair par conséquent que M. le duc d’Orléans régent avoit le même pouvoir. Je leur rendis compte du très bon effet et de la joie que cette distinction accordée au duc d’Ossone avoit faits dans toute la cour d’Espagne, et j’en pris occasion de leur représenter combien il étoit du service de M. le duc d’Orléans de réserver sept ou huit colliers, qui étoient presque tous vacants, quand il feroit la promotion entière, et de les envoyer sans destination au roi d’Espagne pour les donner à qui il lui plairoit, excepté le marquis de Grimaldo, dont les services et le constant attachement à l’union des deux couronnes méritoit la distinction d’être nommé par le roi uniquement, sur quoi je leur remis devant les yeux la conduite des rois d’Espagne de la maison d’Autriche, qui envoyoient aux empereurs toutes les Toisons qu’ils vouloient pour leur cour, et encore que cet ordre ne soit que de la moitié en nombre de celui du Saint-Esprit, et leur rappelai aussi le grand nombre de Toisons données à la France, auquel le petit nombre de colliers du Saint-Esprit accordés à l’Espagne ne pouvoit se comparer, infiniment