Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/156

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auparavant ; Dubois, qui ne doutoit de rien, ne s’en étoit pas donné la peine, tellement que le refus tout plat fut public et l’ordre renvoyé.

Je ne faisois pas cette leçon ; mais mon reproche fut que Son Altesse Royale ne pouvoit ignorer la promesse publique et réitérée du feu roi au cardinal Gualterio de la première place de cardinal qui vaqueroit dans l’ordre ; que ses services et son attachement si marqué, et qui lui avoient coûté tant de dégoûts depuis son retour à Rome, méritoient à tant de titres, et non pas le dégoût nouveau, qu’il n’avoit jamais mérité de M. le duc d’Orléans le moins du monde, de se voir oublié et envoyer l’ordre à un autre cardinal si inférieur à lui, pour ne pas dire plus, en mérites à l’égard de la France. Mais Dubois gouvernoit seul et en plein. Les grandes et les petites choses dépendoient entièrement de lui, et M. le duc d’Orléans tranquillement le laissoit faire. J’en écrivis en même temps au cardinal Dubois, et je lui représentai que l’estime et l’amitié si marquée du cardinal de Rohan pour le cardinal Gualterio ne pourroit pas être insensible à. une si grande mortification.

En arrivant de Lerma à Madrid, j’avois reçu une lettre du cardinal Dubois qui, après des raisonnements sur l’état incertain de la santé du grand-duc, et de ce qui pouvoit se passer en Italie en conséquence, me mandoit que Chavigny, envoyé du roi à Gênes, étoit si fort au fait de toutes ces affaires-là qu’il pourroit bien lui envoyer faire un tour en Espagne et me le recommandoit très fortement.

Ce Chavigny étoit le même Chavignard, fils d’un procureur de Beaune, en Bourgogne, qui trompa feu de Soubise, et se fit présenter par lui au feu roi avec son frère, comme ses parents, et de la maison de Chauvigny-le-Roy, ancienne, illustre, éteinte depuis longtemps, obtint un guidon de gendarmerie aussitôt, et son frère une abbaye. Ils obtinrent aussi des gratifications et des distinctions par les jésuites qui étoient leurs dupes, ou qui feignoient de l’être, et par