Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/170

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vient d’être expliqué, elle avoit encore celui de brouiller les deux couronnes, ce qu’elle prévoyoit facile si elle pouvoit parvenir à faire attacher quelque chose en Italie, par la difficulté des secours militaires, et bien autant par l’impossibilité de satisfaire toutes les volontés de la reine, dont les Italiens se sauroient bien prévaloir pour faire naître des brouilleries continuelles avec notre cour, qui n’en feroit jamais assez à son gré, ni au leur, devenus maîtres de son esprit en flattant et entretenant son ambition. Le duc de Bournonville, déjà uni avec la cabale italienne, dès avant sa nomination à l’ambassade de France, de laquelle je parlerai ensuite, ne bougeoit plus d’avec les Italiens, particulièrement d’avec Popoli et Giovenazzo, au premier desquels il faisoit bassement sa cour. Ils furent tous deux embarrassés, jusqu’à en être déconcertés d’avoir été rencontrés par l’abbé de Saint-Simon à la promenade, tête à tête.

Le roi et la reine d’Espagne, leurs deux confesseurs, les deux secrétaires d’État principaux ne se cachoient point du dégoût et des soupçons qu’ils concevoient du nombre de ministres dont la France se servoit en leur cour, disoient hautement et nettement qu’ils ne savoient en qui se fier ; que quand on vouloit agir de bonne foi, il ne falloit qu’un canal. Le P. Daubenton s’expliqua même que cette conduite de la France lui faisoit prendre le parti de se mettre à quartier de tout, et de ne se mêler de quoi que ce fût ; et je m’aperçus très bien qu’il s’étoit tenu parole avec moi-même. Je sus qu’il avoit conseillé la même conduite à d’autres, et à Castellar à diverses reprises. Quoique cette multiplicité si peu décente fût très propre à produire cet effet, il put très bien être aussi une suite de la liaison du confesseur avec Castellar et Miraval et avec les Italiens. Castellar, qui m’avoit infiniment recherché, et fort entretenu avant et depuis Lerma, s’en étoit retiré tout à coup, et ne me témoignoit plus que de la politesse quand nous nous rencontrions ; je ne laissai pas de le prier deux fois à dîner chez moi dans ce