Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comment les balcons des cinq étages de la place tout autour sont remplis et les toits chargés de peuple, ainsi que le fond de la place en foule, mais sans faire au spectacle le plus petit embarras. Ce fut un combat sur mer d’un vaisseau turc contre une galère de Malte, qui eut la victoire après deux heures de combat, le désempara et le brûla. L’eau étoit si parfaitement représentée, et les mouvements des deux bâtiments si aisés, leur manœuvre si vive et si multipliée, les événements des approches et du combat si vifs, si justes, si variés, si souvent douteux pour la victoire, qu’on ne se doutoit plus que ce fût un jeu qui se passoit à terre. Le spectacle dura plus de deux heures et fut toujours également intéressant. Les agrès, les habillements, les armes, rien d’oublié, et tout représentoit si naïvement un vaisseau turc et une galère maltaise, les services et les mouvements des combattants et des manœuvres des gens de mer, qu’on ne pouvoit se rappeler que tout cela fût factice. Jusqu’au vent favorisa la fête en dissipant la fumée de la mousqueterie et des bordées de canon. La mêlée de l’abordage fut surtout merveilleusement exécutée, repoussée et reprise à diverses fois. Enfin ce combat parut tellement effectif et sérieux que l’événement seul déclara la victoire.

Enfin il y eut encore un autre feu d’artifice, dans la place du palais, tout différent, mais tout aussi beau que le premier, où Leurs Majestés Catholiques me firent l’honneur de me retenir fort longtemps près d’elles sur leurs balcons.