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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/22

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à un prince, tous deux aussi malhonnêtes gens l’un que l’autre, tous deux pleins d’art, d’esprit et de vues, mais del Surco plus encore que le Popoli, et moins affiché que lui pour ce qu’ils étoient l’un et l’autre. Ils se connoissoient bien tous deux, par conséquent, ne s’aimoient ni ne s’estimoient ; mais ils sentoient tous deux qu’il étoit de leur intérêt de ne pas se brouiller et d’avoir l’air de s’entendre, et leur intérêt étoit leur maître absolu. Je reçus peu de civilités de Surco, sous prétexte de l’attachement de sa charge, mais beaucoup de sa femme, dont les manières étoient très aimables, ce que n’avoit pas son mari, dont le dedans, à l’esprit près, et le dehors me rappelèrent souvent M. d’O, dont del Surco avoit aussi l’impertinente importance, car pour le Saumery, il n’en avoit que la corruption, et d’ailleurs n’alloit pas à la cheville du pied du Surco.

Valouse, gentilhomme d’assez bon lieu, du comtat d’Avignon, élevé page de la petite écurie, produit par Du Mont au duc de Beauvilliers pour être écuyer de M. le duc d’Anjou, parce qu’il étoit bon homme de cheval, sage et de bonnes mœurs, suivit ce prince en Espagne, et y devint un des fréquents exemples qu’avec de la sagesse et de la conduite on fait fortune dans les cours sans avoir aucun esprit. Il fit son capital de s’attacher au roi, à ses supérieurs, de ne se mêler d’aucune intrigue, de ne donner d’ombrage à personne, d’être réservé en tout, et appliqué à son emploi, souple à qui gouvernoit, avec indifférence dans tous les changements, appliqué à plaire au roi, et aux deux reines l’une après l’autre, point répandu dans la cour, sous prétexte de l’assiduité de ses fonctions ; bien avec tout le monde, sans nulles liaisons particulières, et inutile à tout par le non usage, de résolution prise, de sa faveur pour qui que ce fût d’ailleurs aussi ne nuisant à personne. Il fut bientôt majordome de semaine, puis premier écuyer, après le duc del Arco, et totalement dans sa main, et vivant sous lui grand écuyer comme sous son maître, dont il étoit fort bien