Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/24

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et dont sa famille et le défaut de sujets ecclésiastiques avoit fait la fortune. La difficulté de la main nous empêcha de nous visiter ; mais force civilités au palais et partout où nous nous rencontrions, et quelquefois des envois de compliments de l’un chez l’autre. Son rang et sa charge lui attiroient quelque sorte de considération ; mais de sa personne, il étoit compté pour rien. Le roi et la reine l’aimoient assez, et ne se contraignoient point de s’en moquer.

On a vu en son lieu le temps et la façon dont le roi d’Espagne se forma une garde, le premier de tous ses prédécesseurs, et ce qui se passa en cette occasion. La copie de celle du roi, son grand-père, en fut si fidèle que ce seul mot instruit de sa composition, de son service, de son uniforme, en sorte qu’à voir cette garde on se croyoit à Versailles. Il en étoit de même dans les appartements à l’égard des garçons du palais et des garçons tapissiers, quoiqu’en bien plus petit nombre que les garçons du château et des tapissiers à Versailles, où on s’y croyoit aussi à les voir et leur service. Il en étoit de même pour la livrée du roi, de la reine et de la princesse des Asturies ; et tous les services des compagnies des gardes du corps et des régiments des gardes, de leurs capitaines, de leurs colonels, de leurs officiers entièrement semblables à ceux d’ici, sinon qu’il n’y a que trois compagnies des gardes du corps, dont les capitaines et, le guet servent par quatre mois chacun, au lieu de trois ici, où il y a quatre compagnies.

Armendariz, lieutenant général assez distingué, étoit lieutenant-colonel du régiment des gardes espagnoles. C’étoit un homme d’esprit, remuant, insinuant, intrigant, impatient de : l’état subalterne, qui avoit ses amis et son crédit, et que le marquis d’Ayétone étoit importuné de trouver assez souvent sur son chemin dans les détails et sur les grâces à répandre dans le régiment. Mais l’extérieur étoit gardé entre eux, et j’ai souvent trouvé Armendariz chez le marquis d’Ayétone, d’un air assez libre quoique respectueux.