Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/298

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exprès de Montauban pour me voir ; et du reste force compliments.

Le duc de Berwick, qui commandoit en Guyenne, et qui trouvoit Montauban plus commode que Bordeaux pour fixer son séjour, m’avoit en effet demandé ce rendez-vous avec instance ; et l’amitié qui étoit entre nous, et toutes celles que j’avois reçues du duc de Liria, ne me permettoit pas un refus. Il étoit bien naturel au maréchal de désirer de m’entretenir sur la situation de son fils en Espagne, sur une cour qu’il avoit tant fréquentée, et sur les dispositions, pour lui-même, de Leurs Majestés Catholiques après tout ce qui s’étoit passé. Je partis donc de Bayonne seul avec l’abbé de Saint-Simon, le lendemain de Pâques, et m’y séparai jusqu’à Paris de tout ce qui étoit avec moi. Je passai un jour franc avec le maréchal de Berwick à Marmande, et avec le duc de Duras, qui étoit venu avec lui, et qui commandoit en Guyenne sous lui. J’appris là que nous n’étions qu’à quatre lieues de Duras. Je voulus y faire une course pour en dire des nouvelles à Mme de Saint-Simon et des beautés que le maréchal son oncle y avoit fait faire toute sa vie avec attache, sans jamais les avoir été voir. J’en avois aussi curiosité ; mais quoi que je pusse faire, jamais ils ne voulurent y consentir. Malheureusement ils savoient, comme tout le pays, les courriers qui m’avoient été dépêchés ; ils n’osèrent prendre part à mon retardement, dont j’eus un véritable regret. Je m’embarquai de bon matin sur la Garonne, et j’arrivai de bonne heure à Bordeaux, chez Boucher, intendant de la province. Les jurats me firent aussitôt demander par Ségur, leur sous-maire, l’heure de me venir saluer. Je les priai à souper, et dis à Ségur que les compliments se feroient mieux le verre à la main. Ils vinrent donc souper, et me parurent fort contents de cette honnêteté. Le lendemain la marée me porta de fort bonne heure à Blaye par le plus beau temps du monde. Je n’y couchai qu’une nuit et ne passai point à Ruffec pour abréger.