Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/344

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dans tout l’intérieur des opérations secrètes du régent depuis longtemps, et sur le pied de secrétaire renforcé du cardinal Dubois, avec caractère, par sa charge de signer en commandement. Pour Belle-Ile, encore qu’à l’appui de celui-ci il se fût introduit en tiers tous les soirs avec lui chez le cardinal Dubois, où il se rendoit compte, se résumoient et se résolvoient bien des choses, il approchoit si peu le régent, qui même ne l’aimoit pas, que je le trouvai là fort déplacé. À l’égard du maréchal de Berwick, qui, du temps du feu roi, avoit toujours été sur le pied de protégé du maréchal de Villeroy, lequel, en courtisan qui savoit le goût de son naître pour toutes sortes de grands bâtards par leur homogénéité avec les siens, avoit eu grande part à la rapide élévation de celui-ci à la guerre, je fus extrêmement étonné de le voir admis en ce conciliabule, et de l’y entendre opiner aussi librement et aussi fortement qu’il fit, ayant toujours fait profession jusqu’alors de cultiver le maréchal de Villeroy et d’amitié particulière avec lui. Pour les deux frères Rohan, que le cardinal Dubois ménageoit avec une distinction singulière, et qu’il avoit admis là pour la leur témoigner d’une façon si marquée, je ne vis jamais une joie plus scandaleuse, ni une plus âcre amertume que celle qu’ils ne se mirent pas en peine même de voiler. On vit en plein éclater toute la haine conçue de la rupture du mariage de leur fille boiteuse avec le duc de Retz, sur des conditions méprisantes qu’ils ne proposèrent que quand ils crurent qu’il n’y avoit plus à s’en dédire, et dont le maréchal de Villeroy, justement indigné, ne voulut jamais passer malgré les charmes et les larmes de la duchesse de Ventadour, comme je l’ai raconté en son temps, et le dépit que conçurent les Rohan de voir incontinent après le duc de Retz épouser la fille aînée du duc de Luxembourg, à conditions convenables, tandis qu’ils se trouvèrent trop heureux de donner leur fille au duc Mazarin, d’une naissance et d’un personnel peu agréables, sans charge ni autres réparations.