Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/404

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lieu. Un intérêt plus personnel à la reine d’Espagne s’y joignoit encore. Elle avoit toujours regardé avec horreur l’état des reines d’Espagne veuves. Elle étoit accoutumée à régner pleinement par le roi son époux ; la chute lui en paraissoit affreuse si elle venoit à le perdre, comme la différence de leurs âges le lui faisoit envisager. Son but avoit donc été toujours de n’oublier rien pour faire un établissement souverain à son fils, où elle pût se retirer auprès de lui, hors de l’Espagne, quand elle seroit veuve, et s’y consoler en petit de ce qu’elle perdroit en grand. Pour y réussir, elle ne pouvoit s’appuyer plus solidement que de la France ; et le régent, de son côté, ne pouvoit établir sa fille plus grandement, ni mieux s’assurer personnellement de plus en plus l’appui de l’Espagne. La surprise de la déclaration de ce mariage fut grande en Europe, et non moindre en France, où tout ce qui n’aimoit pas le régent et son gouvernement en laissa voir du chagrin. Malheureusement, on vit bientôt après que ces mariages, simplement conclus et signés avec l’Espagne, n’avoient pas été faits au ciel.

Un autre mariage, entièrement parachevé en même temps, acheva l’apparente réconciliation de la maison de Bavière avec celle d’Autriche. Ce fut celui du prince électoral de Bavière avec la sœur cadette de la reine de Pologne, électrice de Saxe, toutes deux filles du feu empereur Joseph, frère aîné de l’empereur régnant. Quoique accompli dès lors avec toute la pompe et la joie la plus apparente, il ne fut pas heureux, et ne réussit point à réunir les deux maisons.

En attendant le sacre qui s’alloit faire, on amusa le roi de l’attaque d’un petit fort dans le bout de l’avenue de Versailles, et à lui montrer ces premiers éléments militaires.

Il perdit Ruffé, un de ses sous-gouverneurs, qui étoit homme fort sage, lieutenant général, et qui ne jouit pas longtemps du gouvernement de Maubeuge, qu’il avoit eu à la mort de Saint-Frémont. Il étoit aussi premier sous-lieutenant de la première compagnie des mousquetaires. Ruffé