Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/431

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qui se déclara tard, fit en très peu de jours un tel progrès qu’elle se prépara à la mort avec beaucoup de fermeté et de piété. Elle voulut presque toujours avoir auprès d’elle l’ancien évêque de Troyes, frère de la maréchale de Clerembault, et lui dit : « Monsieur, de Troyes, voilà une étrange partie que nous avons faite la maréchale et moi. » Le roi la vint voir, et elle reçut tous les sacrements. Elle mourut à Saint-Cloud le 8 de décembre, à quatre heures du matin, à près de soixante et onze ans. Elle ne voulut point être ouverte, ni de pompe à Saint-Cloud. Ainsi dès le 10 du même mois, elle fut portée à Saint-Denis dans un carrosse sans aucun appareil de deuil, le carrosse précédé, environné et suivi des pages des deux écuries du roi, des gardes et des suisses de M. le duc d’Orléans, et de ses valets de pied avec des flambeaux. Mlle de Charolois et les duchesses d’Humières et de Tallard accompagnoient dans un autre carrosse, où étoit Mme de Châteauthiers, dame d’atours de Madame, avec Mmes de Tavannes et de Flamarens. Madame tenoit en tout beaucoup plus de l’homme que de la femme. Elle étoit forte, courageuse, allemande au dernier point, franche, droite, bonne et bienfaisante, noble et grande en toutes ses manières, et petite au dernier point sur tout ce qui regardoit ce qui lui étoit dû. Elle étoit sauvage, toujours enfermée à écrire, hors les courts temps de cour chez elle ; du reste, seule avec ses dames ; dure, rude, se prenant aisément d’aversion, et redoutable par les sorties qu’elle faisoit quelquefois, et sur quiconque ; nulle complaisance ; nul tour dans l’esprit, quoiqu’elle [ne] manquât pas d’esprit ; nulle flexibilité, jalouse, comme on l’a dit, jusqu’à la dernière petitesse, de tout ce qui lui étoit dû ; la figure et le rustre d’un Suisse, capable avec cela d’une amitié tendre et inviolable. M. le duc d’Orléans l’aimoit et la respectoit fort. Il ne la quitta point pendant sa maladie, et lui avoit toujours rendu de grands devoirs, mais il ne se conduisit jamais par elle. Il en fut fort affligé. Je passai le lendemain de cette