Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/448

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Belle-Ile, après un long et dur séjour à la Bastille, puis en exil à Nevers, revint à la cour faire la plus prodigieuse fortune, et tous deux conservèrent leurs entrées. Tous les autres les perdirent, hors le très peu de ceux qui restoient et qui les avoient du feu roi. Je fus du nombre des supprimés, et M. le duc d’Orléans le souffrit. Je renvoyai mon brevet dès qu’il me fut redemandé, sans daigner m’en plaindre, ni en dire un mot au cardinal Dubois, ni à M. le duc d’Orléans que j’aurois fort embarrassé. Les entrées, excepté ces deux, demeurèrent donc restreintes aux charges et à ce si peu d’autres qui les avoient du feu roi. Celles des derrières furent abolies, en donnant les grandes à d’Antin, à d’O et à Chamarande. Le cardinal Dubois en inventa de familières qui, du temps du feu roi, n’étoient que pour Monseigneur et les princes ses fils, Monsieur et M. le duc d’Orléans, le duc du Maine et le comte de Toulouse. Dubois les prit pour lui, et, pour faire moins crier, les étendit à tous les princes du sang, au duc du Maine, à ses deux fils et au comte de Toulouse. Elles donnèrent droit d’entrée à toute heure où étoit le roi quand il ne travailloit pas. Les princes du sang s’en trouvèrent extrêmement flattés, eux qui n’avoient que celles de la chambre. Jamais le feu prince de Conti n’en avoit eu d’autres avec celles du cabinet. Et avant que le coucher du roi eût été retranché aux courtisans, j’ai vu bien des fois M. le Prince assis au-dehors de la porte du cabinet du roi, entre le souper et le coucher, et assis qui pouvoit dans la même pièce que lui, en attendant le coucher du roi, tandis qu’en sa présence M. le Duc son fils, comme gendre du roi, entroit dans le cabinet, et n’en sortoit qu’avec le roi, quand il venoit se déshabiller pour son coucher. Ces entrées familières sont demeurées aux princes du sang et aux bâtards et batardeaux, et il ne sera pas facile désormais de les leur ôter par un roi qu’une familiarité si grande pourra facilement gêner et importuner beaucoup.