Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à Passy contre la petite vérole dont Paris étoit plein. Elle ne l’évita pas et en mourut.

Le duc d’Aumont, son fils, en mourut aussi huit jours après elle, à trente-deux ans. Il étoit aimé et estimé dans le monde, très bien fait, avec un beau visage, et fort bien avec les dames. Il ne laissa que deux fils enfants, dont le cadet mourut bientôt après. Je m’intéressai fort au partage de sa dépouille, pour le duc d’Humières qui eut le gouvernement de Boulogne et Boulonnois, et son petit-neveu eut la charge de son père de premier gentilhomme de la chambre du roi.

On m’avoit rendu tout le château neuf de Meudon, tout meublé, depuis le retour de la cour à Versailles, comme je l’avois avant qu’elle vint à Meudon. Le duc et la duchesse d’Humières y étoient avec nous, et bonne compagnie. Le duc d’Humières voulut que je le menasse à Versailles remercier M. le duc d’Orléans le matin. Nous le trouvâmes qu’il alloit s’habiller, et qu’il étoit encore dans son caveau dont il avoit fait sa garde-robe. Il y étoit sur sa chaise percée parmi ses valets et deux ou trois de ses premiers officiers. J’en fus effrayé. Je vis un homme la tête basse, d’un rouge pourpre, avec un air hébété, qui ne me vit seulement pas approcher. Ses gens le lui dirent. Il tourna la tête lentement vers moi sans presque la lever, et me demanda d’une langue épaisse ce qui m’amenoit. Je le lui dis. J’étois entré là pour le presser de venir dans le lieu où il s’habilloit, pour ne pas faire attendre le duc d’Humières ; mais je demeurai si étonné que je restai court. Je pris Simiane, premier gentilhomme de sa chambre, dans une fenêtre, à qui je témoignai ma surprise et ma crainte de l’état où je voyois M. le duc d’Orléans. Simiane me répondit qu’il étoit depuis fort longtemps ainsi les matins, qu’il n’y avoit ce jour-là rien d’extraordinaire en lui, et que je n’en étois surpris que parce que je ne le voyois jamais à ces heures-là ; qu’il n’y paroîtroit plus tant, quand il se seroit secoué en s’habillant. Il ne laissa pas d’y