Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lui donna pour condition de sa liberté, qu’après de longues disputes, il n’en voulut plus ouïr parler, et fut reconduit à Pignerol comme il en avoit été ramené.

Cette fermeté n’étoit pas le compte du roi pour son bâtard bien-aimé. Il envoya Mme de Nogent à Pignerol ; après, Barin, ami de Lauzun, et qui se mêloit de toutes ses affaires, avec des menaces et des promesses, qui, avec grande peine, obtinrent le consentement de Lauzun, qui firent résoudre à un second voyage de Bourbon de lui et de Mme de Montespan, sous le même prétexte des eaux. Il y fut conduit comme la première fois, et n’a jamais pardonné à Maupertuis la sévère pédanterie de son exactitude. Ce dernier voyage se fit dans l’automne de 1680. Lauzun y consentit à tout, Mme de Montespan revint triomphante. Maupertuis et ses mousquetaires prirent congé du comte de Lauzun à Bourbon, d’où il eut permission d’aller demeurer à Angers, et incontinent après cet exil fut élargi, en sorte qu’il eut la liberté de tout l’Anjou et la Touraine. La consommation de l’affaire fut différée au commencement de février 1681, pour lui donner un plus grand air de pleine liberté. Ainsi Lauzun n’eut de Mademoiselle que Saint-Fargeau et Thiers, après n’avoir tenu qu’à lui de l’épouser en se hâtant de le faire, et de succéder à la totalité de ses immenses biens. Le duc du Maine fut instruit à faire sa cour à Mademoiselle, qui le reçut toujours très fraîchement, et qui lui vit prendre ses livrées avec grand dépit, comme une marque de sa reconnoissance, en effet pour s’en relever et honorer, car c’étoit celles de Gaston, que dans la suite le comte de Toulouse prit aussi, non par la même raison, mais sous prétexte de conformité avec son frère, et [ils] l’ont fait passer à leurs enfants.

Lauzun, à qui on avoit fait espérer un traitement plus doux, demeura quatre ans à se promener dans ces deux provinces, où il ne s’ennuyoit guère moins que Mademoiselle faisoit de son absence. Elle cria, se fâcha contre Mme de Montespan et contre son fils, se plaignit hautement qu’après