Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/69

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son mal, il se retira dans un petit appartement qu’il avoit d’abord loué dans cette vue dans l’intérieur du couvent des Petits-Augustins, dans lequel on entroit de sa maison, pour y mourir en repos, inaccessible à Mme de Biron et à toute autre femme, excepté à la sienne, qui eut permission d’y entrer à toutes heures, suivie d’une de ses femmes.

Dans cette dernière retraite, le duc de Lauzun n’y donna accès qu’à ses neveux et à ses beaux-frères, et encore le moins et le plus courtement qu’il put. Il ne songea qu’à mettre à profit son état horrible, et à donner tout son temps aux pieux entretiens de son confesseur et de quelques religieux de la maison, à de bonnes lectures, et à tout ce qui pouvoit le mieux préparer à la mort. Quand nous le voyions, rien de malpropre, rien de lugubre, rien de souffrant ; politesse, tranquillité, conversation peu animée, fort indifférente à ce qui se passoit dans le monde, en parlant peu et difficilement ; toutefois, pour parler de quelque chose, peu ou point de morale, encore moins de son état, et cette uniformité si courageuse et si paisible se soutint égale quatre mois durant, jusqu’à la fin ; mais, les dix ou douze derniers jours, il ne voulut plus voir ni beaux-frères ni neveux ; et sa femme, il la renvoyoit promptement. Il reçut tous les sacrements avec beaucoup d’édification, et conserva sa tête entière jusqu’au dernier moment.

Le matin du jour, dont il mourut la nuit suivante, il envoya chercher Biron, lui dit qu’il avoit fait pour lui tout ce que Mme de Lauzun avoit voulu ; que, par son testament, il lui donnoit tous ses biens, excepté un legs assez médiocre à Castelmoron, fils de son autre sœur, et des récompenses à ses domestiques ; que tout ce qu’il avoit fait pour lui depuis son mariage, et ce qu’il faisoit en mourant, Biron le devoit en entier à Mme de Lauzun ; qu’il n’en devoit jamais oublier la reconnoissance ; qu’il lui défendoit, par l’autorité d’oncle et de testateur, de lui faire jamais ni peine, ni trouble, ni obstacle, et d’avoir jamais aucun procès contre