Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/72

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bien précieuse quand celle d’en savoir bien profiter y est ajoutée, et que la mort la plus subite fut celle qu’il préféroit ; hélas ! il l’obtint, et plus rapide encore que ne fut celle de feu Monsieur, dont la machine disputa plus longtemps. J’allai, le 21 décembre, de Meudon à Versailles, au sortir de table, chez M. le duc d’Orléans ; je fus trois quarts d’heure seul avec lui dans son cabinet, où je l’avois trouvé seul. Nous nous y promenâmes toujours parlant d’affaires, dont il alloit rendre compte au roi ce jour-là même. Je ne trouvai nulle différence à son état ordinaire, épaissi et appesanti depuis quelque temps, mais l’esprit net et le raisonnement tel qu’il l’eut toujours. Je revins tout de suite à Meudon ; j’y causai en arrivant avec Mme de Saint-Simon quelque temps. La saison faisoit que nous y avions peu de monde, je la laissai dans son cabinet et je m’en allai dans le mien.

Au bout d’une heure au plus, j’entends des cris et un vacarme subit ; je sors, et je trouve Mme de Saint-Simon tout effrayée qui m’amenoit un palefrenier du marquis de Ruffec, qui de Versailles me mandoit que M. le duc d’Orléans étoit en apoplexie. J’en fus vivement touché, mais nullement surpris ; je m’y attendois, comme on a vu, depuis longtemps. Je petille après ma voiture qui me fit attendre par l’éloignement du château neuf aux écuries, je me jette dedans et m’en vais tant que je puis. À la porte du parc, autre courrier du marquis de Ruffec qui m’arrête, et qui m’apprend que c’en est fait. Je demeurai là plus d’une demi-heure absorbé en douleur et en réflexions. À la fin je pris mon parti d’aller à Versailles, où j’allai tout droit m’enfermer dans mon appartement. Nangis, qui vouloit être premier écuyer, aventure dont je parlerai après, m’avoit succédé chez M. le duc d’Orléans, et expédié en bref, le fut par Mme Falari, aventurière fort jolie, qui avoit épousé un autre aventurier, frère de la duchesse de Béthune. C’étoit une des maîtresses de ce malheureux prince. Son sac étoit