Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/73

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fait pour aller travailler chez le roi, et il causa près d’une heure avec elle en attendant celle du roi. Comme elle étoit tout proche, assis près d’elle chacun dans un fauteuil, il se laissa tomber de côté sur elle, et oncques depuis n’eut pas le moindre rayon de connoissance, pas la plus légère apparence.

La Falari, effrayée au point qu’on peut imaginer, cria au secours de toute sa force, et redoubla ses cris. Voyant que personne ne répondoit, elle appuya comme elle put ce pauvre prince sur les deux bras contigus des deux fauteuils, courut dans le grand cabinet, dans la chambre, dans les antichambres sans trouver qui que ce soit, enfin dans la cour et dans la galerie basse. C’étoit sur l’heure du travail avec le roi, que les gens de M. le duc d’Orléans étoient sûrs que personne ne venoit chez lui, et qu’il n’avoit que faire d’eux parce qu’il montoit seul chez le roi par le petit escalier de son caveau, c’est-à-dire de sa garde-robe, qui donnoit dans la dernière antichambre du roi, où celui qui portoit son sac l’attendoit, et s’étoit à l’ordinaire rendu par le grand escalier et par la salle des gardes. Enfin la Falari amena du monde, mais point de secours qu’elle envoya chercher par qui elle trouva sous sa main. Le hasard, ou pour mieux dire, la Providence avoit arrangé ce funeste événement à une heure où chacun étoit d’ordinaire allé à ses affaires ou en visite, de sorte qu’il s’écoula une bonne demi-heure avant qu’il vint ni médecin ni chirurgien, et peu moins pour avoir des domestiques de M. le duc d’Orléans.

Sitôt que les gens du métier l’eurent envisagé, ils le jugèrent sans espérance. On l’étendit à la hâte sur le parquet, on l’y saigna ; il ne donna pas le moindre signe de vie pour tout ce qu’on, put lui faire. En un instant que les premiers furent avertis, chacun de toute espèce accourut ; le grand et le petit cabinet étoient pleins de monde. En moins de deux heures tout fut fini, et peu à peu la solitude y fut aussi