Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/95

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une prodigieuse révolte. Chacun est attaché aux siens, à ses intérêts, à ses prétentions, à ses chimères, et rien de tout cela ne peut souffrir la moindre contradiction. On n’est ami de la vérité qu’autant qu’elle favorise, et elle favorise peu de toutes ces choses-là. Ceux dont on dit du bien n’en savent nul gré, la vérité l’exigeoit. Ceux, en bien plus grand nombre, dont on ne parle pas de même entrent d’autant plus en furie que ce mal est prouvé par les faits ; et comme au temps où j’ai écrit, surtout vers la fin, tout tournoit à la décadence, à la confusion, au chaos, qui depuis n’a fait que croître, et que ces Mémoires ne respirent qu’ordre, règle, vérité, principes certains, et montrent à découvert tout ce qui y est contraire, qui règnent de plus en plus avec le plus ignorant, mais le plus entier empire, la convulsion doit donc être générale contre ce miroir de vérité. Aussi ne sont-ils pas faits pour ces pestes des États qui les empoisonnent, et qui les font périr par leur démence, par leur intérêt, par toutes les voies qui en accélèrent la perte, mais pour ceux qui veulent être éclairés pour la prévenir, mais qui malheureusement sont soigneusement écartés par les accrédités et les puissants qui ne redoutent rien plus que la lumière, et pour des gens qui ne sont susceptibles d’aucun intérêt que de ceux de la justice, de la vérité, de la raison, de la règle, de la sage politique, uniquement tendus au bien public.

Il me reste une observation à faire sur les conversations que j’ai eues avec bien des gens, surtout avec Mgr le duc de Bourgogne, M. le duc d’Orléans, M. de Beauvilliers, les ministres, le duc du Maine une fois, trois ou quatre avec le feu roi, enfin avec M. le Duc et beaucoup de gens considérables, et sur ce que j’ai opiné, et les avis que j’ai pris, donnés ou disputés. Il y en a de tels, et en nombre, que je comprends qu’un lecteur qui ne m’aura point connu sera tenté de mettre au rang de ces discours factices que des historiens ont souvent prêtés du leur à des généraux d’armées, à des ambassadeurs,