Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/48

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des deux Chambres. On le dit toujours mort ou bien malade ; il vit, il reparaît à chaque intervalle, le même au fond ; il cherche avec avidité à se satisfaire ; et ce qui importe, c’est d’empêcher qu’il ne tourne à mal et qu’il ne se pervertisse. Français, nous avons depuis quelque temps tous nos défauts ; gardons au moins quelques-unes de nos qualités. Là où les institutions favorisent et défraient ces qualités, et où elles ne sont pas écroulées avec le reste, maintenons-les soigneusement, et attachons-nous à les réparer plutôt qu’à les ébranler dans l’entre-deux des crises et au lendemain des orages.

Un petit nombre de choses anciennes sont restées debout en France à travers nos révolutions périodiques, et plus que périodiques ; de ce nombre est ce qu’on appelle si justement la Comédie-Française. Lors de la première Révolution, de celle de 89, la Comédie-Française y avait, pour sa part, puissamment contribué. Les tragédies de Voltaire avaient fait des républicains de la veille de ceux-là même qui avaient goûté le Mondain ; ils purent s’apercevoir plus tard de la contradiction, trop tard pour se corriger. Le Mariage de Figaro avait enflammé les esprits et allumé une gaieté folle, inextinguible, mais qui n’était pas inoffensive comme le bon rire des pièces de Molière. La tragédie de Charles IX sonna le tocsin. La Comédie-Française avait trop marqué pour rester inviolable et innocente ; elle fut atteinte et frappée. Une moitié des comédiens fit emprisonner l’autre. Il y eut, au sortir de la Terreur, division persistante et schisme ; mais, lorsque enfin la réunion se fit, jamais la Comédie-Française ne parut plus au complet ni plus brillante qu’à la veille de brumaire et en ces années du Consulat. Elle répara ses fautes avec splendeur. Nulle institution ne contribua plus directement à