Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/65

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héroïne de la Fronde. Elle crut avoir meilleur marché d’un mari en épousant le marquis de Courcelles, qui n’avait pour lui que d’être neveu du maréchal de Villeroy, et qui surtout lui offrait de s’engager, dans le contrat de mariage, à ne jamais la mener à la campagne (clause capitale), à ne jamais lui faire quitter la Cour. C’était le seul théâtre que la jeune femme jugeât digne de ses triomphes. Elle n’eut qu’à se montrer pour y réussir. Le soir même du mariage, qui s’était célébré à grande pompe, et où la reine avait fait à la mariée l’honneur de lui donner la chemise (style du temps), à peine tout ce monde retiré, Sidonia comprit dès les premiers mots qu’elle avait affaire, dans M. de Courcelles, à un homme grossier et vil, et elle le méprisa. Elle prit sur elle de dissimuler pendant huit jours, eu égard à l’équipage qu’on lui faisait et aux cadeaux ; puis elle ne se contint plus : « Je crus, dit-elle, qu’il y allait de ma gloire de ne point paraître entêtée d’un homme que personne n’estimait, et je donnai un si libre cours à mon aversion pour lui, qu’en un mois toute la France en fut informée. Je ne savais pas encore que haïr son mari et pouvoir en aimer un autre, n’est presque que la même chose. Dans cette erreur, beaucoup de gens prirent le soin de me le dire. » On comprendra qu’étant de cette humeur, elle ne devait pas manquer sur ses pas de téméraires et d’indiscrets ; on le comprendra mieux encore, quand on aura su d’elle-même quelle était sa beauté ; et il ne paraît pas qu’elle l’ait exagérée en aucun trait. On me permettra de citer cette page tout entière, l’une des plus gracieuses qui soient sorties de la plume d’une femme assise devant son miroir. C’est un portrait de plus à ajouter à ceux de la galerie de Versailles, ou, si vous l’aimez mieux, c’est comme un émail de Petitot :

« Pour mon portrait,