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CAUSERIES DU LUNDI.

Cyr. « Elle est ravie, continue Mme  de Maintenon, et trouve Athalie merveilleuse. Jouons-la, puisque nous y sommes engagés ; mais, en vérité, il n’est point agréable de se mêler des plaisirs des grands. » La duchesse de Bourgogne était de cette race des grands dont l’espèce va se perdant de jour en jour, et qui sera bientôt une race disparue. Elle mérite d’en rester de loin comme une des représentations les plus légères et les plus séduisantes dans sa course fugitive.

Les Lettres qu’on publie d’elle aujourd’hui ne sont que des billets qui n’ajouteront pas beaucoup à l’idée qu’on a de son esprit ; une partie de ces billets est adressée à Mme  de Maintenon. On y voit la jeune princesse se repentir du malheureux goût qu’elle avait pour le jeu et qu’elle partageait avec toute la Cour. La Fare, dans ses Mémoires écrits vers 1699, a très-bien remarqué que depuis la mort de Madame Henriette, duchesse d’Orléans (1670), le goût des choses de l’esprit avait fort baissé dans cette Cour brillante de Louis XIV : « Il est certain, dit-il, qu’en perdant cette princesse, la Cour perdait la seule personne de son rang qui était capable d’aimer et de distinguer le mérite ; et ce n’a été, depuis sa mort, que jeu, confusion et impolitesse. » Voltaire, qui voit le siècle de Louis XIV à travers le prisme de son enfance, se récrie contre une telle assertion. En admettant que le trait de La Fare soit un peu forcé, la remarque garde encore de sa justesse. Vers la fin du règne de Louis XIV, le goût de l’esprit et même du bel-esprit reparut sans doute et trouva faveur dans les petites Cours de Saint-Maur et de Sceaux ; mais le gros de la Cour pendant ce temps-là était en proie à la bassette, au lansquenet et à d’autres excès, parmi lesquels celui du vin avait sa bonne part. La duchesse de Berry, fille du futur Régent, n’était pas la seule jeune femme d’alors à