Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, II, 5e éd.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
CAUSERIES DU LUNDI.

de la princesse après sa mort : « La petite coquine, dit-il à Mme de Maintenon, nous trompait. »

Malgré tout, on se prend à regretter que cette princesse, enlevée à vingt-six ans, et dont la féerie naturelle avait enchanté les cœurs, n’ait pas régné à côté du vertueux élève de Fénelon. Le règne de leur fils, de ce Louis XV qui ne sut être qu’un joli enfant, et qui se montra le plus méprisable des rois, eût été heureusement ajourné. Mais à quoi bon refaire l’histoire et rétablir en idée ce qui aurait pu être ? Nous en devrions surtout être guéris de nos jours. À ce même Fontainebleau, où la jeune duchesse de Bourgogne arrivait à l’âge de onze ans, n’avons-nous pas vu arriver aussi (quand je dis nous, j’en puis d’autant mieux parler aujourd’hui que je n’en étais pas), — n’a-t-on pas vu arriver, il n’y a pas quinze ans, une jeune princesse, désirée à son tour et fêtée, également héritière du trône ? Celle-là, elle n’était pas une enfant de onze ans, elle n’avait pas seulement les grâces, elle avait l’élévation morale, le vrai mérite et les hautes vertus. À quoi tout cela a-t-il servi ? Il y a je ne sais quelle force cachée, a dit Lucrèce (ce que d’autres avec Bossuet nommeront Providence), qui semble se plaire à briser les choses humaines, à faire manquer d’un coup l’appareil établi de la puissance, et à déjouer la pièce, juste au moment où elle promettait de mieux aller.