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CAUSERIES DU LUNDI.

s’absorbait en elle. Elle aussi avait dit à sa manière, en prenant possession : L’État, c’est moi. « La Supérieure, disait un des articles des Constitutions, est l’âme de la maison et le chef de tous les membres qui la composent ; toute leur vertu dépend de son influence. » Elle devait être âgée de trente ans au moins ; elle était perpétuelle. Il y avait de la reine dans la manière dont Mme  de Mondonville établissait cette domination à son usage : « La Supérieure, disait-elle, donnera une fois le mois une audience à chacune des filles qui demandera de lui parler, les accueillera avec un visage serein, les écoutera paisiblement et charitablement, gardant un juste tempérament entre la familiarité et la pesanteur d’une trop tendue conversation… Enfin, elle se comportera de telle manière qu’elle ne les renvoie jamais mécontentes, s’il est possible. » C’était la punition la plus sensible que d’être privée de sa présence. Sur quoi les railleurs avaient fait des vers satiriques, une espèce de parodie des Commandements de Dieu à l’usage des Filles de l’Enfance :

Madame seule adoreras,
Et l’Institut parfaitement.

Son beau minois tu ne verras,
Si tu fais quelque manquement…


Les confesseurs n’avaient eux-mêmes qu’un rôle secondaire et subordonné à l’influence de la Supérieure, qui tenait en main la clef des consciences. Les habits étaient simples, mais non uniformes : « On pourra indifféremment choisir du noir, du gris, du blanc, du feuille-morte ou autre couleur obscure, pour le choix de laquelle on prendra l’avis de la Supérieure, qui réglera toutes ces choses, ayant égard à l’âge, à la condition des esprits, et à la qualité des personnes. » Et pour la