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MADEMOISELLE DE LESPINASSE.

ministres, et qui mettent courageusement la main à l’œuvre de la régénération publique. Mais, même alors, qu’est-ce donc qui l’occupe le plus ? Elle se fait apporter les lettres qui lui viennent de M. de Guihert, partout où elle est, chez Mme  Geoffrin, chez M. Turgot lui-même, à table, pendant le dîner. — « Que lisez-vous donc ainsi ? lui demandait une voisine, la curieuse Mme  de Bouflers. C’est sans doute quelque Mémoire pour M. Turgot ? » — « Eh ! oui, justement. Madame, c’est un Mémoire que j’ai à lui remettre tout à l’heure, et je veux le lire avant de le lui donner. »

Ainsi tout pour elle se rapporte à la passion, tout l’y ramène, et c’est la passion seule qui donne la clef de ce cœur étrange et de cette destinée si combattue. Le mérite inappréciable des Lettres de Mlle  de Lespinasse, c’est qu’on n’y trouve point ce qu’on trouve dans les livres ni dans les romans ; on y a le drame pur au naturel, tel qu’il se révèle çà et là chez quelques êtres doués : la surface de la vie tout à coup se déchire, et on lit à nu. Il est impossible de rencontrer de tels êtres, victimes d’une passion sacrée et capables d’une douleur si généreuse, sans éprouver un sentiment de respect et d’admiration, au milieu de la profonde pitié qu’ils inspirent. Pourtant, si l’on est sage, on ne les envie pas ; on préférera un intérêt calme, doucement animé ; on traversera, comme elle le fit un jour, les Tuileries par une belle matinée de soleil, et avec elle on dira : « Oh ! qu’elles étaient belles ! le divin temps qu’il faisait ! l’air que je respirais me servait de calmant ; j’aimais, je regrettais, je désirais ; mais tous ces sentiments avaient l’empreinte de la douceur et de la mélancolie. Oh ! cette manière de sentir a plus de charme que l’ardeur et les secousses de la passion ! Oui, je crois que je m’en dégoûte ; je ne veux plus aimer fort ; j’aimerai douce-