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CAUSERIES DU LUNDI.

client, qui n’est jamais content, même d’avoir gagné sa cause, lorsque son défenseur n’a pas développé longuement tous les faits inutiles, toutes les circonstances oiseuses, tous les commérages qui pouvaient la lui faire perdre.» Il y a longtemps déjà que Pline, dans une lettre adressée à Tacite, a très-bien exposé comment il importe grandement, selon lui, à l’avocat de plaider avec diffusion et surabondance, s’il veut réussir : tel qui ne prend pas d’abord à la bonne raison qu’on allègue, sera pris à une autre qui l’est moins. Or, M. Bazin aimait avant tout la concision et la discrétion, les choses justes qui ne s’adressent qu’aux esprits faits pour les sentir.

Avec une intelligence qui se formait et s’étendait chaque jour, avec une aptitude d’esprit qui pouvait s’appliquer à bien des objets, mais sans aucun de ces talents et de ces dons impétueux qui se déclarent d’eux-mêmes, il cherchait son propre emploi, et tâtonnait un peu sur sa direction. Il essaya dans un temps, me dit-on, du genre de comédie à la Gresset ; il aurait trouvé sans doute d’heureux vers, peut-être une scène ; mais la veine comique n’était pas son fait. Il aurait eu plus volontiers en main la satire. En attendant, il s’exerçait dans les Concours académiques. En 1820, sur le sujet proposé, qui était une sorte de parallèle entre l’Éloquence de la tribune et celle du barreau, il se mit en frais inutilement. En 1822, dans le Concours sur Le Sage, il eut une première mention, laquelle ne venait toutefois qu’après deux prix et un accessit. Bref, ou plutôt à la longue, cette voie des Concours académiques le mena à obtenir, après 1830, le prix pour l’Éloge de Malesherbes. Je ne me permettrai ici qu’une remarque : de tous les écrivains distingués de nos jours, il n’en est, j’en suis certain, aucun qui ait lait plus d’épigrammes contre l’Académie française que M. Bazin. Dans tout ce