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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, II, 5e éd.djvu/483

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M. BAZIN.

tant qu’ayant pouvoir et vertu. » Son meilleur emploi est ailleurs.

Le second ouvrage de M. Bazin est tout différent ; en s’attaquant directement aux mœurs du siècle, l’auteur a trouvé sa matière. Ce livre, qui a titre l’Époque sans nom, et qui commence par une lettre adressée à M. Michaud, contenant une relation épigrammatique des journées de Juillet, est plein de jolies observations et d’ingénieuses malices. L’auteur vous promène dans Paris durant les années 1830-1833 ; il vous peint le bourgeois d’alors, le gamin et le Mayeux d’alors, l’émeute d’alors, et toutes les choses parisiennes de cette date. J’insiste sur la date, parce qu’en relisant ces volumes, ceux qui les ont le plus goûtés dans leur primeur les trouveront un peu vieillis et déjà en partie passés. C’est ce qui arrive à tout ce qui n’a pas été animé, à sa naissance, d’un souffle ardent, ou fixé d’abord d’un trait immortel. Le style de M. Bazin, dans cet ouvrage, n’est que fin, élégant, railleur, mais non exempt de prétention, et il manque de variété. C’est de l’Ermite de la Chaussée d’Antin, beaucoup mieux fait et plus distingué ; c’est du La Bruyère en petit, sans le relief, la vigueur et l’éclat du maître, et tout ce qui grave. J’y vois quantité de remarques fines, rangées les unes à côté des autres, un peu trop de ce qu’on appelle dans les classes de l’esprit de vers latins. Les connaisseurs pourtant ont retenu et me signalent du doigt dans ces volumes un vrai bijou, la vie et la mort de Mayeux, le fameux Mayeux (le type grotesque de notre versatilité politique), venu au monde à Paris le 14 juillet 1789, et qui s’est successivement appelé Messidor-Napoléon-Louis-Charles-Philippe Mayeux, selon les noms des divers régimes qu’il a, tour à tour, épousés ou répudiés, Mayeux un moment porté sur le pavois après 1830, et qui meurt, vers 1833,