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M. DE MALESHERBES

vivant et qui ne parurent qu’en 1798, on sent partout un homme modeste, instruit, qui est sur son terrain et qui ne fait que le défendre comme il doit, en accueillant un peu vertement l’homme supérieur, qui jette un coup d’œil général et qui tranche. Ces critiques nous montrent un esprit ferme, judicieux, souverainement droit, a dit M. Flourens, l’esprit qui convient aux sciences d’observation ; le style y est abondant, naturel, sain, médiocrement élégant, mais souvent spirituel par le bon sens : c’est là un des traits qui caractérisent Malesherbes. Plus tard, dans son Discours de réception à l’Académie, Malesherbes louera BufFon présent, mais il avait commencé par le juger.

La carrière publique de Malesherbes s’ouvrit donc en 1750, et, à partir de ce moment, il faudrait le diviser lui-même sous plusieurs aspects et sous plusieurs chefs pour le suivre et l’étudier convenablement. En même temps qu’il présidait à la Cour des Aides, il se trouva chargé par le Chancelier son père d’une place de confiance des plus délicates, celle de Directeur de la librairie. Or, en un temps où aucun livre ne pouvait s’imprimer en France sans permission expresse ou tacite, et en plein milieu du xviiie siècle, on peut juger de l’importance d’une pareille place que Malesherbes remplit durant treize années (1750-1763).

Comme premier président de la Cour des Aides, la carrière de Malesherbes demanderait tout un chapitre ; il suivit la ligne de conduite des hommes les plus courageux et les plus indépendants de l’antique magistrature française, se signala par des Remontrances énergiques et qui touchaient aux grands intérêts de la nation, ne rechercha en tout que la droite équité, et, s’il rencontra la popularité dans cette voie, du moins il n’y sacrifia jamais.