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CAUSERIES DU LUNDI.

ridicule de vouloir paraître philosophe, car il avait l’esprit naturellement philosophique ; et s’il s’est trompé sur la question d’Homère et des Anciens, il s’est trompé en homme de pensée et avec beaucoup de distinction. On en jugera.

Ce n’est pas d’une statue qu’il s’agit ici, c’est d’une statuette, mais elle en vaut la peine. M. Rigault n’y a vu qu’un grotesque : pourquoi l’esprit serait-il si rigoureux contre l’esprit ?

I

L’abbé de Pons ; — au café Gradot ; — cher madame de Lambert. — Bon journaliste.


L’abbé de Pons, né en 1683, avait pour père le sieur de Pons d’Annonville, d’une noble famille de Champagne et chevalier d’honneur du présidial de Chaumont (sur Marne) ; il naquit à Marly, chez son oncle qui en était alors seigneur, et de qui le roi ne tarda pas à l’acquérir. Il fit ses premières études au collége des Jésuites à Chaumont, puis vint à Paris et entra au séminaire de Saint-Magloire, d’où il suivit l’école de Sorbonne : « Il était bon humaniste, nous dit-on ; il possédait les principes de la théologie ; mais surtout il était grand métaphysicien, dans le sens le plus étendu qu’on donne à présent (1738) à ce terme. Il ne faisait peut-être pas assez de cas des autres sciences. » Le biographe qui a dit cela de l’abbé de Pons, son ami, était un homme distingué lui-même et fort apprécié des économistes, Melon, auteur d’un ingénieux Essai politique sur le Commerce. — Vers l’âge de quinze ans, l’abbé de Pons s’aperçut que sa taille se déformait ; il se mit entre les mains d’un chirurgien malhabile qui le tortura ; la difformité ne fit qu’augmenter et fut irréparable. Il n’était pas laid d’ailleurs ; « il avait un beau visage et une physionomie