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CAUSERIES DU LUNDI.

d’Homère vengé, il y avait des allusions grossières aux infirmités physiques de La Motte et de l’abbé de Pons, « de l’aveugle M. Patineur et du bossu M. Rabougri. » On y lisait une table injurieuse, qui commençait par ces mots :

Un Aveugle, ami d’un Bossu,
Lui dit un jour ; Cher camarade.
Je me suis toujours aperçu
Que l’homme a l’œil faible et malade…

La clef n’était pas difficile à trouver. Gâcon, qui se présentait en homme droit et éclairé, remettait le couple imparfait à la raison :

Messieurs, que l’ignorant vulgaire
Met plus haut qu’Ésope et qu’Homère,
Vous n’approchez de ces héros
Que par les jeux et par le dos.

L’abbé de Pons fut indigné, bien moins pour lui que pour celui en qui il voyait à la fois, dans son illusion d’amitié, un Descaries et un Homère, et qu’il se proposait plus justement à lui-même pour type de l’homme de lettres comme il faut. S’il était besoin d’expliquer d’ailleurs cette indignation d’un homme d’esprit et philoso* phe envers un si misérable adversaire, et la forme sous laquelle elle se produisit, il faut se rappeler que le livre de Gâcon avait paru avec l’approbation d’un censeur, l’abbé Couture, approbation donnée dans les termes ordinaires : « J’ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier, etc. » C’est ce qui motiva la lettre de l’abbé de Pons, qui courut Paris sous ce titre ; « Dénonciation faite à Monseigneur le Chancelier d’un libelle injurieux qui, revêtu de l’autorité du sceau, paraît dans le monde sous le titre dHomère vengé. » Elle fut publiée dans le Mercure galant de mai 1715. Rendant hommage au mérite de M. de La Motte, qu’il ne craint pas d’appeler, « de l’aveu de