emploi. Ainsi, le 2 juin de cette année 1702, il écrivait à Chamillart :
« Ne voulez-vous point, Monseigneur, dans la guerre la plus difficile qu’on ait vue depuis trente ans, peser la différence qu’il y a d’un homme à un autre ? et quel malheur n’est-ce point de n’avoir pu tirer de la plus fière de toutes les nations, toujours victorieuse depuis le règne du plus grand roi qui ait jamais porté la couronne, un peu plus d’hommes capables de mener cette nation ! J’ai tout le respect que je dois pour ceux qui sont à la tête de nos armées, mais cependant peut-être y aurait-il encore chez eux quelque chose à désirer. Faut-il que les raisons de cour, les protections, certains emplois déjà occupés, le grand âge, de longs mais froids services… »
Il s’embrouille dans sa phrase (ce qui lui arrive quelquefois quand les phrases sont longues), et il ne l’achève pas ; mais il suit très-bien sa pensée, et il veut dire ce qu’il redit souvent encore ailleurs en des termes que je résume ainsi : « Les hommes à la guerre sont rares ; avec mes défauts, je crois en être un ; essayez de moi. »
Villars, à la tête d’un détachement considérable et par le fait général en chef, investi de la confiance du roi, ne songe qu’à la justifier. Il trouve moyen d’abord de passer le Rhin à Huningue (1er et 2 octobre 1702), en s’aidant d’une île qui coupe le cours du fleuve et qui laisse le plus petit bras du côté de la rive opposée. Le pont jeté et le Rhin franchi ou pouvant l’être, il n’eut plus qu’une idée, celle d’attaquer le front des ennemis, malgré l’avantage des hauteurs qu’ils occupaient. Une lettre de Louis XIV, du 5 octobre, ne contribua pas peu à l’y exciter :
« Monsieur le marquis de Villars, je suis si content de ce que vous venez de faire, et j’ai une contiance si entière en votre expérience et votre bonne conduite, que j’ordonne au maréchal de Catinat de vous envoyer le plus diligemment qu’il pourra une augmentation de dix bataillons avec vingt escadrons. Je me persuade qu’avec le corps de troupes que vous avez, lorsqu’il sera renforcé par celui-ci, vous serez en état par vous-même de vous avancer, sans craindre que l’armée des ennemis puisse vous en empêcher… »