Page:Sainte-Beuve - Chateaubriand et son groupe littéraire sous l’Empire, tome 1.djvu/3

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d’autres mauvais pas, qu’il y a plus d’un chemin de traverse dans l’histoire, et j’attendis avec la curiosité de l’observateur, curiosité, je l’avoue, qui se mêlait de très-près en moi à l’anxiété du citoyen, le développement des faits.

Un mois après environ, vers la fin de mars, un de mes amis me dit que M. Jean Reynaud, qui remplissait au ministère de l’Instruction publique des fonctions officieuses, mais qui, de fait, répondaient à celles de sous secrétaire d’État, désirait me voir. Je connaissais beaucoup, depuis dix-sept ou dix-huit ans, M. Jean Reynaud, à tel point que j’avais dîné chez lui avec M. Charton le mercredi 23 février précédent, en pleine révolution. Profitant de la courte trêve qui parut tout d’un coup s’établir dans t’après-midi de cette journée du mercredi, j’avais pu traverser les Champs-Élysées, a l’extrémité desquels il habitait, et me rendre à une invitation qui datait de quelques jours. Je ne me doutais pas, et M. Jean Reynaud ne se doutait pas plus que moi, ce mercredi, à six heures du soir, qu’il serait le sur lendemain un quasi-ministre au département de l’Instruction publique. J’appris avec plaisir que lui, M. Carnot et M. Charton, y avaient été portés je savais toute leur droiture.

Appelé donc par M. Jean Reynaud, un mois environ après les événements, arrivé dans son cabinet et l’abordant avec mon air ordinaire, je lui vis un visage consterné il me dit qu’il se passait quelque chose de fort grave et que ce quelque chose me concernait, que des Listes contenant le chiffre des sommes distribuées par l’ancien Gouvernement, avec les noms de ceux qui les avaient reçues, Listes quelle ministère sortant (MM. Guizot, Duchâtel, etc.) avait déposées aux Tuileries pour y